Au revoir là-haut

Publié le 1 avril 2023 à 13:58

Rescapés du premier conflit mondial, détruits par une guerre civile et barbare, Albert et Edouard comprennent rapidement que le pays ne pourra rien faire pour eux. Car la France, qui glorifie ses morts, est impuissante à aider les survivants. Abandonnés, condamnés à l’exclusion, les deux amis refusent pourtant de céder à l’amertume ou au découragement. Défiant la société, l’Etat et la morale patriotique, ils imaginent une arnaque d’envergure nationale, d’une audace inouïe et d’un cynisme absolu.

 

De Pierre Lemaître

 

Des destins humains

 

Entrer dans l’histoire de Au revoir là-haut est une épreuve à surmonter. Les premiers mots nous plongent in medias res dans les derniers moments de la première guerre mondiale. Nous rencontrons immédiatement le personnage d’Albert Maillard et vivons, avec lui, l’horreur de l’attaque de la côte 113 et de ses conséquences - la peur, la suffocation, la monstruosité. Pour la lectrice sensible que je suis, il m’aura fallu un deuxième essai pour passer cette première étape d’un roman désormais coup de cœur. 

 

Au revoir là-haut est avant tout un roman sur des destins humains qui s'entrecroisent. Les personnages dessinés par Pierre Lemaître sont complexes, attachants pour certains, superbement détestables pour d’autres. On se surprend parfois à éprouver de la compassion pour des personnages d’abord enfermés dans un statut, un caractère, un physique. Mais leur nature profonde apparaît progressivement, à travers des failles, des erreurs, ou des moments de grâce et de simplicité. Ce sont des personnages profondément humains, parce que sincèrement imparfaits. D’ailleurs, ce sont ceux qui prennent conscience de leur humanité qui nous touchent le plus. 

 

Cette humanité, c’est-à-dire ces failles, est révélée dans l’écriture même, qui glisse de la voix de l’auteur à celle du personnage. Les pensées se superposent à la narration, ce qui crée une véritable fluidité dans l’écriture et donc la lecture. Nous traversons l’histoire et ses intrigues à travers les réactions des personnages ; malgré l’apparente omniscience, nous vivons les rebondissements et révélations au même rythme que Albert, Henry, Madeleine, les autres.

 

Tous ces protagonistes, liés les uns aux autres par le hasard de la guerre, portent le poids d’intrigues multiples, qui nous tiennent en haleine de bout en bout. Elles soulèvent des problématiques intéressantes, profondes, dérangeantes parfois, notamment sur la question de la morale, une notion en déséquilibre constant qui met souvent à mal les personnages. La résolution de ces intrigues est certes attendue, mais néanmoins surprenante dans le chemin que Pierre Lemaître trace. Il réussit à conserver la tension et l’attention de son lecteur jusqu’au bout. 

 

Au gré des rebondissements, révélations, acharnements et remises en question de chacun, ces intrigues deviennent l’échappatoire par laquelle les personnages tentent de se reconstruire après la guerre. Car en effet, Au revoir là-haut propose un véritable reflet de la société d’après 1918, une société qui se relève difficilement, se reconstruit et tente de faire son deuil.

 

Ce fut donc un véritable plaisir de lecture, même si la multiplicité des intrigues et personnages ont été un frein à un investissement émotionnel complet. J’ai néanmoins été sincèrement touchée par ces histoires, et il me tarde de les lire à nouveau !

 

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