L'histoire commence en 1976, quand Bea, 16 ans, devient partie prenante dans le vent de changement qui parcourt l’Europe en collaborant avec des femmes qui revendiquent l’approbation du droit à l’avortement. Cette rébellion, ainsi que sa rencontre Miren, jeune fille de bonne famille avec qui elle noue une amitié spéciale, vont faire de cet été-là une étape décisive de sa vie.
Réalisé par Silvia Munt
Synopsis : Silvia Munt et Jorge Gil Munárriz
Sorti le 18 octobre 2023
Avec : Alícia Falcó, Elena Tarrats, Itziar Ituño, Ainhoa Santamaría, María Cerezuela, Nagore Cenizo, Iván Massagué, Heren de Lucas, Mikel Laskurain, Sara Barroeta
Vivre l'Histoire à travers son histoire
Le cinéma a ceci de particulier que ses acteurices proposent souvent une performance très naturelle, presque naturaliste. L'identification aux personnages est alors plus simple, car leurs interprètes incarnent leurs émotions jusqu'au bout des doigts. Dans Las Buenas Compañías, cette incarnation est d'autant plus possible que toute l'histoire du film est retranscrite à travers le regard de la protagoniste, Bea, brillamment interprète par une étoile montante du cinéma espagnol, Alícia Falcó.
La réalisatrice choisit en effet une caméra très subjective, dont les plans suivent le point de vue interne du scénario. On ne sait rien, on n'entend rien, on ne voit rien, si cela ne passe pas par le prisme de Bea. L'identification est ainsi renforcée, d'autant plus que le film retrace un instant historique pour l'Espagne : la lutte pour le droit à l'avortement. Dans ses choix cinématographiques, Silvia Munt privilégie le prisme individuel. Restent les échos des manifestations et des différentes luttes nationales qui parviennent parfois aux oreilles de la protagoniste, sans que l'on quitte ses actions à elle. Des actions plus mineures mais qui résonnent plus facilement car elles mettent au premier plan ces jeunes femmes qui se cherchent dans une société qu'elles remettent en cause.
L'esthétique du film nous place à la hauteur de Bea : les nombreux plans intérieurs font ressentir l'isolement de celle-ci, à travers la précarité de son appartement. Précarité qui s'oppose à la maison bourgeoise de Miren, démesurément grande pour ce deuxième personnage qui semble y étouffer. Les deux jeunes femmes, tout comme leurs interprètes, sont complémentaires dans leur physique, leur caractère, leur lutte. Le duo qui se crée fait de la lutte sociale une quête intérieure. A l'époque où l'avortement n'est pas encore légalisé, c'est aussi l'amour et la sexualité des femmes qui sont conditionnés, bridés, dictés. Bea et Miren font voler en éclats les certitudes et trouvent en l'autre un début de réponse, un échappatoire possible. Et autour d'elles et de leurs combats résonnent une sororité très forte, en constante lutte face au silence et/ou l'absence des hommes.
Las Buenas Compañías, c'est une réflexion sociale, identitaire et féministe sur une époque qui trouve encore des échos avec les interrogations et luttes actuelles. C'est une quête initiatique pour une jeunesse en décalage avec les normes patriarcales. C'est aussi un passage à la vie d'adulte, qui implique des choix, des ruptures, des sensations fortes et nouvelles. C'est un film plein d'émotions et de vie, rythmé par des musiques aussi entraînantes que touchantes.
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