En souvenir d’un ancien amour, un homme prête une maison à des femmes artistes qui en font pour quelques temps leur atelier… Il y a quelques règles à respecter, laisser une œuvre en fin de séjour et accepter la présence d’une femme de ménage qui veille sur la maison autant que sur ses locataires. Sur trois époques successives – les années cinquante, soixante-dix et deux mille vingt – la position de la femme et de l’artiste, seule ou en collectif, féministe ou pas, est mise en regard.
De Pauline Sales
Éditions Les Solitaires Intempestifs
Créé le 11 janvier 2021 au Théâtre de l’Éphémère au Mans dans une mise en scène de l’autrice - Festival OFF d'Avignon avec la Compagnie A L'Envi
Microcosme féminin d'une société en permutation
Pauline Sales crée dans son texte un espace défini, la "Maison", et trois parenthèses temporelles. Cette maison est d'abord un refuge pour les personnages, l'occasion pour eux - surtout elles - de libérer leurs émotions, leurs pensées et leur art. De plus, entre chaque acte, comme on pourrait les appeler, le passage du temps et les échos sociaux se font entendre dans des bribes de conversation. Ainsi, à travers ces personnages, la maison devient un microcosme qui fait écho à l'évolution de la société, tissant ainsi des liens entre les époques.
La pièce s'ouvre sur les années 1950, avec la "Maison", une dénomination qui fait écho à une société encore très ancrée dans le patriarcat - la présence de Joris, le propriétaire, renforçant cette idée. Pour cette première parenthèse temporelle, il n'y a qu'une seule femme, Simone. Elle est, à travers ses mots et son art, une exception de cette époque, en lutte perpétuelle contre le regard des autres - ici incarné par sa sœur Dominique, une femme donc - mais aussi le sien. Dans ses tirades en solitaire jaillit une véritable violence tournée envers et malgré elle : "Dégoût de soi, vide, accablement". Cette auto-mutilation par la parole témoigne d'une présence très intériorisée de la société. La remise en question de cette société passe donc par une quête intérieure, et cette quête se manifeste à travers une œuvre discrète.
Lorsque l'on entre dans les années 1970, la "Maison" devient la "Womanhouse" : c'est l'heure d'une réappropriation totale qui passe d'abord par re-nomination. On entend avec l'anglais des échos aux années hippies, des années de libération. Cette fois, l’œuvre de Miriam, mais aussi de Judy et de Annie, est éclatante, colorée, provocante. Ces trois femmes se réunissent autour d'un rejet de la femme au foyer et aussi de l'homme. Beaucoup de répliques se font à la troisième personne pour devenir des témoignages d'une époque et créer une mise à distance nécessaire pour parler de la violence des hommes, très présente dans ce deuxième acte. Comme pour mieux se protéger, on sent également beaucoup d'humour et de sororité entre les personnages.
Sororité plus complexe lors des années 2020, où la "Résidence" - dénomination plus informelle - propose une occasion de questionner les mots : la "femme artiste" ou simplement l'artiste ? Comment définit-on la femme et le genre ? Trois femmes, trois points de vue : la domination patriarcale est toujours présente, et l'on y fait front grâce à une dimension plus réflexive, mais aussi beaucoup de violence, même entre elles. Mais l'humour est toujours là, l'union bien cachée mais présente lorsqu'il faut se retrouver pour faire naître la création individuelle.
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