Ce ne sont encore que des enfants : Patrocle est aussi chétif et maladroit qu'Achille est solaire, puissant, promis par sa déesse de mère à la gloire des immortels. En grandissant côte à côte, l'amitié surgit entre ces deux êtres si dissemblables. Indéfectible.
Quand, à l'appel du roi Agamemnon, les deux jeunes princes se joignent au siège de Troie, la sagesse de l'un et la colère de l'autre pourraient bien faire dévier le cours de la guerre... Au risque de faire mentir l'Olympe et ses oracles.
De Madeline Miller, traduit par Christine Auché
Editions Pocket
Orange Prize for fiction
L'humain qui sublima le dieu
Dans cette réécriture, l’autrice réinvente un mythe connu de tous, fondateur pour de nombreuses cultures, celui de la guerre de Troie mise en mots par Homère dans son Iliade (Ilion étant l’autre nom de Troie). C’est une réécriture qui commence dès le titre du livre, Le Chant d’Achille, l’œuvre originelle étant elle-même composée de « chants ». Ici, l’autrice propose de dédier le sien à Achille, celui qu’on voit comme le capricieux qui précipita la défaite première des Grecs. Le héros sera ici remis à l’honneur à travers les mots de celui qui l’a aimé.
Pour ce qui est de la réécriture en elle-même, on retrouve la présence du mythe fondateur dans sa trame, suivie à la lettre, les noms (l’énumération de certains chapitres rappelle celle présente dans L’Iliade), et ses thématiques. Tout comme son prédécesseur, Madeline Miller fait la part belle aux dieux et à leur présence capricieuse, superbement incarnée par la très antipathique Thétis, mère d’Achille au regard froid et aux ambitions très homériques. C’est souvent par elle que les prophéties divines se font entendre. Destinée et fatalité sont au cœur de ce récit, tout comme les thématiques de l’épopée et de la quête initiatique, mais l’autrice se les réapproprie pour leur apporter une dimension nouvelle, plus contemporaine et humaine.
Contrairement à L’Iliade, cette nouvelle guerre de Troie n’est pas une simple succession de faits et encore moins une épopée fondatrice. C’est un récit d’hommes et de femmes enchaînés par un destin qui les dépasse. Le point de vue est donc profondément humain, humblement porté par la voix narrative de Patrocle, fidèle compagnon d’Achille, qui n’est ni roi ni héros grec, souvent même désigné comme n’étant personne. Pourtant, relire l’histoire de la guerre de Troie à travers ses yeux est peut-être la meilleure façon de rendre hommage à Achille.
« Tu l’as fait lui » dit-il à Thétis.
Car plus que simple compagnon, il est réhabilité à sa place d’ami puis amant, le penchant humain du demi-dieu, son ultime protection contre au fil des Parques. Le récit ne commence d’ailleurs pas sur la plage de Troie, mais bien plus tôt dans la vie des deux jeunes hommes. Il y a d’abord leur rencontre, où chacun s’apprivoise aux côtés de l’autre ; il y a leur jeunesse, leur amitié sincère, leur innocence toute humaine, leurs jeux ; leur amour naissant, leur insouciance, leurs forces ; leur tragédie, leurs erreurs, leurs peurs. Achille et Patrocle, c’est l’histoire d’un amour qui défie les humains et les dieux. Un amour qui aura le dernier mot, quoiqu’il arrive.
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