Normalito - Et puis on a sauté : "Deux pièces jeunesse de Pauline Sales qui fonctionnent en miroir comme deux voyages initiatiques"
Aux éditions Les Solitaires Intempestifs, février 2020, 13€
Normalito : Questionne la tolérance et l’empathie à travers une fable sur la normalité et la différence, sur les peurs que nous inspirent ceux que nous pensons ne pas comprendre. Ne sommes-nous pas tous différents et tous semblables ?
« Qu’est-ce qu’il fait Normalito ? a demandé la maîtresse. Il rend tout le monde normaux. Mais alors ce n’est pas un superhéros. Bien sûr que si. »
Et puis on a sauté :
« Pourquoi les parents sont-ils toujours occupés à autre chose qu’à passer du temps avec leurs enfants ? » se demandent un frère et une sœur qui vont faire une énorme bêtise pour attirer leur attention et découvrir ainsi un lieu hors du temps.
Se mettre à hauteur d'enfants
Que se passe-t-il lorsque l'on donne la parole aux enfants pour évoquer de la société d'aujourd'hui ? Quelles sont les préoccupations qui en ressortiraient ? Avec Normalito ainsi que Et puis on a sauté, Pauline Sales nous proposent de remettre en question le monde des adultes et les attentes de la société. Pour mettre en mots ces deux "voyages initiatiques", la dramaturge utilise un schéma identique : un garçon et une fille, en confrontation avec leurs parents, qui s'affrontent d'abord mais font front commun face à l'urgence ou le danger.
Commençons par Normalito. Sans surprise, cette première pièce questionne la normalité, le conformisme, mais aussi la quête de sens et d'individualités. A travers la création de son super-héros, Lucas nous pousse à nous interroger : qu'est-ce que c'est, être "normal" ? Ne pas être différent. C'est la première chose qui sépare Lucas de Iris, "l'enfant zèbre", la catégorisée "haut potentiel intellectuel". Puis, au fur et à mesure de leurs échanges, une opposition de deux manières de penser se dévoile, sur l'homosexualité, le racisme, la peur de l'autre, la question écologique. A la recherche de modèles, les deux enfants se trouvent une nouvelle place chez les parents de l'autre : ce chassé croisé bouscule leur identité et leurs certitudes et les poussent à la fugue. Et c'est là, en pleine crise, que Lucas et Iris finiront par se retrouver, par s'allier, par s'aimer pour ce qu'ils sont.
Si le chemin de Et puis on a sauté est différent, l'issue est également la même : c'est dans la crise que Juliette et Elias, frère et sœur, dépassent toutes les peurs qui les ont traversé tout au long de la pièce pour se réapproprier leur identité et leur place. Ici, le parcours est plus onirique que Normalito. Pauline Sales offre à ses personnages une part de merveilleux et de puissance évocatrice par l'imaginaire, et ce, dans une sorte de réécriture du conte Alice au pays des merveilles. Face à leurs parents absents, les deux enfants sont prêts à tout pour attirer leur attention. Leurs bêtises les entraînent jusqu'à la crise existentielle, se retrouvant soudain face à eux-mêmes et à leurs peurs les plus profondes : grandir, vieillir, mourir. L'espace du texte devient une parenthèse temporelle où le frère et la sœur font aussi résonner une voix contemporaine lorsqu'ils jouent aux adultes. Ils évoquent la femme forte et indépendante et interrogent la place de l'homme et de la femme au sein du couple et de la famille. A travers la voix de leurs parents, Juliette et Elias s'affrontent, avant de s'unir à nouveau pour échapper au danger.
A travers la voix innocente mais aussi violente de ces personnages enfants, les deux pièces remettent en question les normes et attentes sociétales : la courses à la perfection et au conformisme, la dualité féminin/ masculin, le manque de tolérance et d'espace de parole qui permettrait plus de compréhension, notamment entre parents et enfants. De plus, dans un cas comme dans l'autre, chacun des enfants trouve son évolution au contact de l'autre - que ce soit l'autre enfant ou les personnages tiers, Lina et la fourmi, toutes deux placées sous la protection des enfants. Dans leurs dialogues et adresses au publics, les personnages évoquent leurs peurs, le temps qui passe, surpassent la différence et l'incompréhension pour témoigner finalement d'un beau message d'amour.
Retrouvez les informations sur Pauline Sales, sa compagnie et son œuvre ci-dessous :
Ajouter un commentaire
Commentaires