Clytemnestre

Publié le 29 novembre 2023 à 17:19

« Tu es née d’un roi mais tu as épousé un tyran. Tu assistes impuissante au sacrifice qu’il fait de ton enfant. Tu l’observes déclencher une guerre sanglante. Tu joues ton rôle. Mais patiemment, tu prépares ta vengeance. »

Dans la Grèce antique, et à travers les yeux de son héroïne la plus flamboyante, Clytemnestre est un conte qui illustre le pouvoir et la prophétie, un roman d’amour et de haine, celui d’une reine inoubliable qui a férocement puni tous ceux qui l’avaient trahie.

 

De Costanza Casati, traduit de l'anglais par Claire Desserrey

Titre original : Clytemnestra (premier roman de l'autrice)

Aux Editions Jean-Claude Lattès (pour la traduction française)

Prix : 22,50€

 

La mythologie s'écrit au féminin

 

« Mon père était Agamemnon – Me mit au monde Clytemnestre, – Détestable fille de Tyndare »

 

Les paroles d’Electre dans la tragédie éponyme d’Euripide sont celles qui restent quand on songe à la reine Clytemnestre : on se souvient et on honore Agamemnon, on méprise sa meurtrière de femme. C’est le sort commun de beaucoup de personnages féminins de la mythologie : évoluant dans un univers d’hommes, elles sont souvent cantonnées à des rôles, des effigies, des trophées, des figures monstrueuses. Que reste-t-il de leur histoire, lorsque l’on écarte les héros, les rois, les tyrans ?

 

Costanza Casati prend le parti de Clytemnestre, sans rien nier de sa cruauté, de ses crimes, de sa personnalité éminemment vengeresse. Mais c’est aussi et avant tout son parcours de femme que l’on suit, toutes les étapes et épreuves qu’elle traverse pour en arriver là, debout dans le mégaron du palais des Atrée, à côté du trône de son mari défunt, la main d’Egisthe dans la sienne. L’autrice réhabilite une femme élevée dans un milieu d’hommes, à égalité avec les hommes. Elle donne également la parole à beaucoup d’autres femmes de son entourage, oubliées ou réduites à l’image que les hommes gardent d’elles. Il y a sa mère Léda et ses sœurs : Hélène, loin d’être seulement la plus femme du monde – Timandra, que l’on connaît moins voire pas du tout, qui devient ici une figure féminine homosexuelle. Il y a ses filles : Iphigénie et Electre, bien sûr, mais aussi Chrysothémis. Ses filles, pour lesquelles elle se bat autant que pour elle-même. Il y a toutes ses autres femmes laissées de côté sur la trajectoire des héros et des tyrans.

 

Clytemnestre, pour s’affirmer dans mon monde d’hommes, utilise leurs règles et les met au service de ses intérêts de femme et de reine. Ce livre est une revanche personnelle et universelle, qui redistribue les rôles au profit des femmes pour mieux révéler la complexité des héros qui restent dans les mémoires. C’est aussi un conte profondément humain, porté par une héroïne qui fait fi des prédictions, des oracles et des dieux : c’est un combat à échelle humaine.

 

« Viendra le temps où l’on entonnera des chants sur elle, ceux qu’elle a aimés et ceux qu’elle a haïs.

Ils parleront de sa mère, la reine séduite par un dieu,

de ses frères pugilistes et dompteurs de chevaux,

de sa sœur vaniteuse qui ne pouvait rester dans le lit de son époux

d’Agamemnon, le fier lion de Mycènes,

du sage Ulysse aux mille ruses,

du traître et maudit Egisthe,

de Clytemnestre, reine cruelle, épouse infidèle.

Mais peu importe. Elle était là. Elle sait que les chants ne disent jamais la vérité. »

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