Les Palmiers sauvages

L'histoire d'un amour absolu

Pour sa nouvelle création, Séverine Chavrier choisit de faire vivre un roman sur scène. Elle se retrouve donc face à une             « liberté de création vertigineuse » et relève le défi d’inventer en s’efforçant de ne pas trahir l’auteur. Les Palmiers sauvages nous plonge dans une passion brutale entre Harry et Charlotte en rupture avec la société. Elle est mariée, a deux enfants, lui est seul avec ses études en médecine. Coup de foudre ! Les voilà jeune couple amoureux en fugue, et nous voilà témoins involontaires de leur intimité, leur sensualité. Mais l’amour dans lequel ils plongent ensemble fait peur et semble dangereux. Au fil de la pièce, les deux amants tombent dans une sorte d’enfer dont ils ne peuvent pas s’échapper. L’hésitation et la fragmentation sont les maîtres-mots de la mise en scène. Au cœur de cette hésitation, l’amour absolu devient destructeur. Charlotte et Harry veulent s’aimer, et à force de vouloir s’aimer, ils finissent par oublier l’autre. La passion qui explose au début les enferme bien vite dans cette relation à deux où ils ne se comprennent plus.

L’espace scénique est un microcosme dans lequel les personnages sont à la fois grands par leur liberté, et petits par leur isolement. La scène devient alors un lieu où l’amour englobe Harry et Charlotte sans retenue, tout comme il englobe la lumière, le son, la musique, les vidéos, … Tout est aussi chaotique que l’amour qui se joue sur scène, qui devient donc une sorte de désordre organisé, où images et lumière se mêlent aux cris et à la musique pour créer une tension palpable chez le public. Les voix off, moments de lucidité solitaires, tentent de nous faire sortir du cauchemar infernal que créent les bruits et les cris. La lumière traduit la torture intérieure que s’infligent les personnages et ne cesse de nous interpeler, tout comme la vidéo qui tourne au loin. Notons que la musicalité est une part majeure de l’enseignement qu’a reçu Séverine Chavrier, elle le met ici à profit : c’est une écriture musicale et sonore qui se met en scène. Tout l’espace scénique nous décrit donc la dégradation des personnages, leur lente descente aux enfers.

Parlons d’ailleurs de ces personnages. Nous sommes face à deux enfants : un Harry hésitant, en quête permanente de stabilité et d’explication, et une Charlotte excentrique, revendicatrice, dans une attitude désespérée de laisser-faire. Dans la fugue qui est la leur, ils cherchent à créer une relation avec le public. Ils appellent, par jeu ou revendication, et interpellent par leur nudité (rassurez-vous : pas pendant tout le spectacle). Pour jouer ces deux personnages, Deborah Rouach et Laurent Papot ont été inclus dans le processus créatif, par un travail d’improvisation avec la metteuse en scène. Tous deux sont convaincants, justes, tendres avec leur personnage. Leur complicité sur scène offre à leurs personnages un mélange paradoxal et cohérent (dans l’intrigue) de proximité (physique) et d’éloignement (spirituel, puis sentimental). C’est grâce à eux, à travers eux et leur justesse de jeu, que la mise en scène devient un espace de proximité et de partage avec le public. Ils nous invitent à nous sentir impliqués, touchés, même si le sens nous échappe parfois.

Plongez dans l’histoire d’une transformation, où l’amour est passionnel et dangereux ; dans un théâtre contemporain où deux amants se découvrent sur un plateau qu’on laisse à leur entière disposition ; ils prennent la liberté de transformer leur environnement, pour qu’il leur ressemble, et finissent irrémédiablement par se transformer eux-mêmes ; deux personnes perdues dans une histoire d’amour où se mêlent désir et tristesse, une fin qu’on attend pas et une pièce aussi grande que l’amour porter sur l’autre, avec pleins de scène différentes qui semble avoir son univers à elle. 

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