Ici ni Capulet et Montaigu, mais des visibles et des invisibles…Voilà des générations que chacun mène sa vie de part et d’autre d’un pont. Quand l’histoire commence, on découvre Romy, une invisible, championne de ping-pong qui vit avec les siens. Un jour, elle brave l’interdit, franchit la frontière, et tombe littéralement sur Pierre, un visible. Ces deux-là connaitront-ils le destin tragique des amants de Vérone ? En toile de fond de cette fable tendre, l’invisibilité des minorités. Pour la servir délicatement, les ingrédients d’un fascinant ciné-spectacle signé des créateurs de La Coordonnerie, Métilde Weyergans et Samuel Hercule : cinéma, théâtre, bruitage et musique live.
Lieu : Théâtre de la Croix-Rousse
Mise en scène de Métilde Weyergans et Samuel Hercule
Avec sur scène : Métilde Weyergans, Samuel Hercule, Timothée Jolly, Mathieu Ogier
A l'écran : Samuel Hercule, Valentine Cadic, Marin Moreau, Benoit Moreira Da Silva, Katell Jan, Aurélia Petit, Pasquale d’Inca, Chloé Chomis, Louise Pagès
Une exhibition magique et totale
Dans ce spectacle, Métilde Weyergans et Samuel Hercule mettent à nouveau à profit leurs passions communes pour créer un spectacle qui vient mélanger les genres et bousculer nos habitudes. Inspiré de L'Homme invisible de H.G Wells et ponctué de références à l'univers shakespearien, Ne pas finir comme Roméo et Juliette nous emporte dans une histoire d'amour et de différence, en toute simplicité et sincérité. C'est grâce à cette simplicité que toute la palette de savoir-faire des quatre compagnons de la Cordonnerie peut prendre toute son ampleur sur scène. Cette pièce devient le lieu d'une exhibition totale du cinéma, du théâtre, de la musique, et, surtout, de leurs procédés : régie, bruitages, doublage, ... L'ensemble de la mise en scène repose sur une chorégraphie remarquable entre l'image qui défile sur l'écran et le son qui a cours sur scène : tout se fait à vue. C'est donc un ciné-spectacle particulièrement exigeant qui est proposé aux spectateurs, qui se retrouvent projetés hors de leur zone de confort. En effet, notre regard est constamment sollicité sur différents plans : l'écran, les deux musiciens au lointain, les comédiens en avant-scène, les objets qui descendent du plafond, ... Chaque information qui nous est proposée a son importance, l'histoire du scène et l'histoire à l'écran ont le même intérêt. Il peut devenir difficile de fixer son attention, et la compréhension de l'ensemble peut être altérée.
Mais, si l’œil du spectateur peut d'abord avoir du mal à s'accrocher à l'ensemble, le mélange des genres et des procédés s'avère finalement bénéfique. A l'image du monde qu'ils ont créé, à l'image des deux personnages qui dépassent leurs frontières, Samuel Hercule et Métilde Weyergans ont fondé leur spectacle sur la dualité. Au-delà de leur genre, ce sont deux temporalités qui se confrontent sur scène : celle, implacable, du cinéma et celle, performative et vivante, du théâtre et de la musique. Or, chacune apporte beaucoup à l'autre. La partie filmée offre un cadre plus vaste au théâtre, elle permet d'ouvrir l'horizon et de dépasser les frontières de la scène. C'est aussi une manière d'ancrer l'éphémère, d'offrir à l'histoire de Pierre et Romy un aspect indéfectible. De son côté, la temporalité théâtrale et musicale rend le cinéma vivant. L'ensemble se mêle donc à la perfection, tant tous les éléments scéniques - les mouvements, l'enchaînement musical, l'harmonie des couleurs et des lumières, le jeu en lui-même - est fluide et maîtrisé. La chorégraphie entre théâtre, musique et cinéma est notamment permise par le fait que les comédiens soient peu nombreux, et par leur polyvalence : acteurs, comédiens, doubleurs, musiciens, régisseurs.
Ainsi, même si le double jeu peut être un frein à la vision d'ensemble, les quatre membres de la Cordonnerie réussissent à nous transmettre leur amour pour le mélange des genres, tant ils s'amusent avec tous les procédés qu'ils ont à portée de main. C'est aussi grâce à la tendre et sincère simplicité de l’histoire que le spectateur peut finalement se laisser emporter par ce qui lui est offert. On ne peut qu'être fasciné par l'incroyable justesse de jeu entre les comédiens sur scène et l'image qui défile derrière eux. C'est un spectacle qui nous invite à ouvrir grand les yeux et les oreilles : la musique de Timothée Jolly et Mathieu Ogier est la clef de voûte de la fluidité et de la chorégraphie de l'ensemble. C'est un spectacle vibrant de sensations, et donc d'émotions.
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