La Tendresse

Publié le 22 mai 2023 à 18:12

Qu’est-ce qu’être un homme aujourd’hui en pleine ère #MeToo ? Avec La Tendresse, Julie Berès donne un spectacle coup de poing, drôle et profond sur la question du masculin. On nous raconte l’histoire de jeunes hommes qui se construisent et se débattent avec l’héritage culturel, les volontés de la tradition, les injonctions parfois contradictoires de la société. Au plateau, huit interprètes, remarquables d’énergie et de sincérité, tous issus de milieux différents, s’adressent au public. Les stéréotypes sont exhibés pour mieux être démantelés. La langue est crue et n’oblitère aucun thème : la drague, le couple, le consentement, l’homosexualité, la paternité. Cet espace de parole laisse également une grande place aux corps. Les artistes y dansent le hip-hop comme s’il y allait de leur vie. C’est jouissif et joyeux. On ressort plein·es de confiance en la jeunesse et en nos mutations intimes.

 

Lieu : Théâtre de la Croix-Rousse

Mise en scène par Julie Berès
Avec : Bboy Junior (Junior Bosila), Natan Bouzy, Charmine Fariborzi, Alexandre Liberati, Tigran Mekhitarian, Djamil Mohamed, Romain Scheiner, Mohamed Seddiki
Écriture et dramaturgie Kevin Keiss, Julie Berès & Lisa Guez, en collaboration avec Alice Zeniter


Chorégraphie : Jessica Noita
Références artistiques : Alice Gozlan, Béatrice Chéramy
Lumière : Kelig Lebars
Son : Colombine Jacquemont
Scénographie : Goury
Costumes : Caroline Tavernier, Marjolaine Mansot

 

Quand vibrent les corps et dansent les combats

 

Comment parler du masculin aujourd'hui ? Le sujet à peine abordé semble déjà clivant, dans une actualité tourmentée par les féminicides et les agressions sexuelles. Comment se "fabrique" le masculin ? Est-il possible d'échapper à cette identité fondée sur la force, la performance, la domination ? Sur scène, les huit comédien.nes parviennent à répondre à ces questions de la manière la plus honnête possible, en acceptant enfin de se confronter au regard de l'autre - celui du public comme de leurs partenaires.

 

La scène devient un lieu de confession et de confrontation, où se mélange les discours et les genres. La musique et la danse prennent une importance majeure dans les interventions des comédiens : leur présence corporelle est exacerbée et déborde de sincérité. En usant de divers manières de s'exprimer - le chant, la danse, les références filmiques, le travestissement - les personnages parviennent à dévoiler une part de leur intimité. De même, chacun choisit - involontairement ou pas - de se retrouver seul face à lui-même (et au public), ou face au groupe. Dans tous les cas, ils doivent affronter un regard. Dans ce spectacle, tout est affaire de dialogue avec un autre, là aussi dans toutes ses formes : la confrontation, la provocation, la séduction, la confession. A travers ces dialogues, c'est toute la parole masculine qui est mise en scène : dans les films, la tradition, la société, l'intimité, c'est-à-dire dans toute sa soi-disant puissance mais aussi dans sa réelle fragilité.

 

Le jeu des comédiens, dès leur entrée sur scène, est d'un naturel à couper le souffle, qui change beaucoup de ce qu'on peut voir habituellement au théâtre. La synergie du groupe est contagieuse et se transmet au public par un humour à toute épreuve : les rires jaillissent à de nombreuses reprises, même - et c'est important - dans des instants plus touchants, ce qui nous rend encore plus complices avec les personnages. L'humour est aussi la preuve que l'on accepte une certaine fragilité. C'est aussi un moyen de faciliter la prise de parole - qui n'est pas si facile pour ces personnages rarement remis en cause. Le but de la mise en scène est de créer un espace de parole sain, sécurisé, nourri par la complicité bienveillante avec le public.

 

Il y aurait tant à dire sur ce sujet majeur et pleinement contemporain. Julie Bérès fait le choix judicieux de confronter, à travers ses personnages, divers milieux, langages et discours. Il est important d'avoir sur scène une rencontre entre des avis différents, parfois contradictoires, car cette rencontre permet de nourrir le débat et d'éveiller une vraie prise de conscience. Même les propos dérangeants de certains personnages sont utiles, très utiles, car ils invitent à une déconstruction d'une société problématique qui cautionne quand elle passe ce genre de propos sous silence. De nombreux sujets sont donc évoqués sur scène, sans tomber dans un simple catalogue de problématiques de société : la paternité et la transmission, le rapport au corps et regard de l'autre, l'homosexualité, le rapport à la femme. Car le spectacle ne perd jamais de vue son vrai combat féministe. Comme le dit si bien la seule femme du groupe : "Faut que ça parte en couilles !"

 

Un spectacle grandiose qui mélange force et douceur : une ovation amplement méritée !

 

Plus d'informations :

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.

Créez votre propre site internet avec Webador