«C’est ça l’art. C’est transformer. Faire de ce qui est laid… beauté». Alice, voltigeuse en main à main, écrit ces mots en décembre 2015, un mois après avoir reçu une balle dans le bras lors des attentats de Paris. Pour faire naître la beauté et les rires du chaos, ce spectacle met en scène ses écrits, précieusement sauvegardés dans des carnets durant ses années de reconstruction. Sans jamais revenir sur l’horreur de cette soirée, elle dévoile sans réserve son vécu post-traumatique : un espace où les rêves se brisent sur des diagnostics, où le burlesque s’invite parfois et où la résilience et l’acceptation d’un nouveau corps permettent de se relever. Sur la musique de Raphaël de Pressigny du groupe Feu ! Chatterton, la voix et le corps d’Alice Barraud nous racontent avec poésie, combativité et beaucoup d’humour l’histoire puissante d’une voltigeuse qui a dû tout réinventer pour continuer à voler.
Écrit et mise en scène par Sky de Sela, Alice Barraud, Raphaël de Pressigny
Avec Alice Barraud et Raphaël de Pressigny
Musique : Raphaël de Pressigny
Régie lumière : Jérémie Cusenier ou Thomas Kirkyacharian
Régie son : Wilfried Simean, Hugo Barré ou Clément Gery
Régie accroches : Fred Sintomer
Costumes : Anouk Cazin
Pour qu'enfin, elle vole
Au mauvais endroit au mauvais moment est l'histoire d'une reconstruction, d'une renaissance. C'est la merveilleuse métamorphose d'un traumatisme en une puissance créatrice, une métamorphose qui pose une question fondamentale pour la transmission que veut en faire Alice Barraud : comment mêler tant d'émotions sans tomber dans le pathos excessif ? Sky de Sela, Raphaël de Pressigny et Alice Barraud choisissent alors de mettre le rire au cœur du récit, pour mieux valoriser tous les états de la voltigeuse.
Le spectacle joue avec le mélange des disciplines : le théâtre d'ombres, l'acrobatie, la danse, la musique, la voltige, le jeu. Les scènes s'enchaînent avec une fluidité qui révèle à merveille le cheminement d'Alice Barraud vers sa renaissance, grâce à l'osmose entre les mots, le corps et la musique. Tout l'enjeu pour l'artiste est de se réapproprier un corps nouveau, fracturé, qu'elle dit scindé en deux. Le spectacle est à l'image d'un apprentissage, une rééducation progressive. Ses mouvements et déplacements débutent tout en maladresse et en timidité. Le corps passe par une danse saccadée, voire explosive, avant de prendre un envol hésitant mais libérateur.
"Peut-on voler quand on est si lourd ?"
Pas à pas, Alice Barraud apprivoise la contrainte et met en scène son épanouissement.
Pour sublimer ce parcours corporel, la musique de Raphaël s'imprime sur la danse d'Alice. Le duo fonctionne dans une synergie totale : la renaissance de l'une peut advenir grâce au soutien de l'autre, c'est un spectacle qui se fait à deux. Chacun investit l'espace de l'autre, et la musique permet au corps d'exprimer le non-dit. Elle est un vrai support pour le texte et le corps, elle permet d'exprimer des émotions pour lesquelles les mots ne suffisent pas.
Parlons d'ailleurs des mots : le texte poétique et le parler enfantin d'Alice Barraud sont teintés de douceur, d'humour et de délicatesse. Ce sont des mots qui lui ressemblent, comme en témoignent notamment sa voix enregistrée (diffusée à différents moments du spectacle). D'un langage très simple, naturel et vrai, les mots deviennent des poèmes très imagés lorsqu'il s'agit de souvenirs ou d'émotions plus sombres et enfouies : c'est sa manière à elle de faire tomber le masque. En parallèle de ces instants très touchants, l'artiste fait preuve de dérision et d'autodérision, grâce à un registre plus burlesque (parlé ou non), qui la rapproche du personnage de clown.
Le spectacle est porté par la beauté du mélange des genres et la vérité de son interprète : c'est une mise à nue profondément sincère. Dans le public, on se prend à ressentir avec elle : le rire est contagieux, l'émotion palpable, et on est heureux, tellement heureux pour elle à chacune de ses victoires. Nous sommes aussi des accompagnants dans ce parcours scénique. Dès son entrée sur le plateau, Alice Barraud instaure une vraie relation de complicité avec son public. Elle s'adresse à nous, fait face à la salle, malgré sa peur.
C'est une création dense, intense, dont l'ovation est amplement méritée.
Un vrai coup de cœur !
Retrouvez les informations du spectacle ci-dessous :)
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