Après la représentation du 1er juin, j'ai pu assister au bord de scène avec les deux artistes en scène, Alice Barraud et Raphaël de Pressigny. Ils se sont confiés sur le processus de création de leur spectacle. Comment peut surgir le beau du traumatisme ?
"De la contrainte naît la créativité"
Il aura suffi d'un après-midi pour qu'Alice Barraud prenne la décision de se relever de son traumatisme, quoiqu'il arrive. D'une personnalité déjà très positive, elle se découvre l'énergie d'une combattante. Son parcours de reconstruction reste long et éprouvant, mais il est aussi nourri d'une volonté créatrice. L'envie d'écrire, déjà présente avant les attentats, devient un besoin pour exprimer "quelque chose de trop gros". Les mots sont un exutoire pour ne pas entraîner ses proches dans sa noirceur.
Dès les premiers temps, l'idée du clown et du rire n'est pas très loin ; il y a déjà chez elle la volonté de déposer la "part du mal" et le pathos. Au moment de la création vient donc la question : quel ton donner au spectacle ? Sky de Sela, la troisième metteuse en scène, suggère qu'Alice se montre telle qu'elle est. Bien que celle-ci ne souhaite pas parler de la soirée sur scène, Sky de Sela l'incite à se confronter à une improvisation de plusieurs heures, dans laquelle elle raconte la soirée, minute après minute. Certains instants sont filmés, et c'est là que surgit le point de départ : "l'envie de pisser", qui a tant fait rire Alice Barraud au moment de son témoignage.
Ces instants filmés, tout comme les enregistrements qu'ils ont inclus au spectacle (rapport au handicap et à l'envol), témoignent de la justesse du spectacle : Alice Barraud choisit d'être sincère, vraie, naturelle.
Pour la création même, Alice Barraud se sert de son expérience en cirque contemporain, qui offre une grande liberté artistique, et de son jeu burlesque, qui mêle le rire et les techniques circassiennes. Elle s'aventure également sur des terrains nouveaux : le mélange de la danse, qu'elle n'a pas pratiqué depuis longtemps, et de ses textes, qu'elle n'avait jamais mis en scène. Ici, le besoin de les exprimer l'emporte.
"Les mots s'imposent pour que tout le monde puisse comprendre."
En parallèle de ces mots, le travail de la musique est également au cœur de la création. C'est l'occasion pour Raphaël de Pressigny, batteur de Feu!Chatterton, de s'essayer à de nouveaux instruments. Les deux artistes nous expliquent que la composition s'est toujours faite en présence d'Alice Barraud. Ce travail à deux est le moyen de passer d'un élan ou d'un texte à la musique, mais aussi de nourrir un élan de création pour la voltigeuse. C'est aussi de cette façon que naissent les différentes émotions, notamment la colère, une colère qu'Alice Barraud ne pensait pas ressentir.
Lors de ces moments de création, Sky de Sela repère la question du soutien : Raphaël de Pressigny apporte une présence silence et un rythme au spectacle. C'est elle qui suggère son intervention sur scène, loin de ses instruments : il devient alors présence concrète et lien entre les scènes.
C'est bien un spectacle à deux qui a lieu sur scène, pour rappeler également qu'une reconstruction ne se fait jamais seul.e.
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