Avec The Confessions, le metteur en scène Alexander Zeldin poursuit son enquête sur les expériences contemporaines de la fin de vie. Cette nouvelle création retrace l’existence d’une Australienne bien réelle, de sa naissance en 1943 jusqu’à nos jours. Derrière le témoignage intime et rétrospectif inspiré des Confessions de Jean-Jacques Rousseau, un siècle d’évolutions sociales se déploie au fil de ses amours et de ses voyages, de l’Océanie jusqu’aux rives de Grande-Bretagne, depuis l’âge tendre jusqu’au crépuscule.
Texte et mise en scène Alexander Zeldin
Avec : Joe Bannister, Amelda Brown, Jerry Killick, Lilit Lesser, Brian Lipson, Eryn Jean Norvill, Pamela Rabe, Gabrielle Scawthorn, Yasser Zadeh
Scénographie et costumes : Marg Horwell
Lumières : Paule Constable
Musique : Yannis Philippakis
Son : Josh Anio Grigg
Collaboration à la mise en scène : Joanna Pidcock
C'est l'histoire d'une femme
Parfois, il nous arrive de venir au théâtre sans vraiment savoir pourquoi, qu'est-ce qu'on va voir, de quoi ça parle... On arrive alors presque nu, notre horizon d'attente contenté par la simple envie d'être là et une curiosité naïve. En tant que spectateurices français.es, se retrouver face à une pièce anglaise devient alors un moment de pur étonnement.
Le spectacle commence par les rideaux rouges - chose de plus en plus rare au théâtre. Une vieille femme - Alice - monte à l'avant-scène et s'adresse au public. Elle vient nous raconter son histoire. Ce presque "Il était une fois" rappelle l'esthétique du conte : le metteur en scène offre à son texte une dimension sacralisée, dans et par un théâtre auquel nous ne sommes plus habitués, que l'on a presque oublié. Il y a déjà là l'idée d'un hommage, d'autant plus lorsque l'on apprend que cette femme est l'incarnation sur scène de la mère d'Alexandre Zeldin. Ce sont ses Confessions pour lesquelles elle devient ici personnage-narrateur ; elle revient d'ailleurs régulièrement tout au long de la pièce pour interpeler le public, faisant de lui son complice. Mais avant tout cela, elle ouvre les rideaux sur ses souvenirs.
La scénographie, voulue par le metteur en scène et créée par Marg Horwell, est très figurative, presque cinématographique : elle tient dans une boîte, jouant ainsi sur différents champs de profondeur. Dans ce décor réaliste évoluent des comédien.nes au jeu également très réaliste, voire naturaliste : on se souvient notamment des scènes collectives, où les conversations imitent celles de la vie, chacun parlant par-dessus les autres. C'est une pièce très bruyante, ce qui rend d'ailleurs les moments de silence d'autant plus significatifs. On a donc face à nous une scénographie et une mise en scène très quotidienne à laquelle il est facile d'adhérer. Elle est maintenue par la dynamique des acteurices et leur circulation de jeu, ainsi que par les codes de la comédie.
C'est justement dans la comédie que le drame peut avoir lieu. La pièce raconte une histoire singulière qui ne se veut pas exemplaire mais qui permet tout de même de dégager une dimension générationnelle. Le jeu, la mise en scène, la scénographie : tout est mis en place pour créer un espace témoin d'une époque donnée - les années 1960/ 1970. C'est l'histoire de l'émancipation d'une femme, en résilience et en lutte pour acquérir son indépendance artistique et personnelle. Cette histoire est parsemée d'une violence de la part des hommes, violence physique, morale, verbale, parfois montrée et plus souvent cachée au public. En effet, les spectateurices sont à plusieurs reprises laissé.es seul.es face à la scène. Les revendications de la pièce ne sont en effet jamais exprimées, mais la mise en scène fait appel aux émotions du public. Alexandre Zeldin crée une ouverture à de nombreuses interprétations laissées libres aux spectateurices.
The Confessions, c'est donc une comédie très anglaise qui rend hommage à l'acteurice, grâce à une mise en scène et une scénographie qui permettent la circulation du jeu. Ce sont également des outils qui permettent une distanciation de la fable : vis-à-vis de sa narratrice qui prend ainsi une revanche exutoire et s'ouvre peut-être au pardon ; vis-à-vis de son public qui est laissé libre dans son émotion et ses revendications.
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