En me lançant dans l’exercice de la critique, c’est également tout un pan de ma culture générale que j’ai commencé à nourrir. Lors d’un spectacle, il est toujours important de se renseigner un minimum sur l’œuvre, saon créateurice, ses interprètes, et cela d’autant plus lorsque l’on souhaite en faire un article derrière. C’est un peu de ces recherches-là dont j’ai voulu parler dans le dernier épisode de mon podcast, dont voici une partie de la retranscription (je ne parle ici que de deux pièces sur quatre, foncez m’écouter pour avoir toutes les infos!).
Dernières sorties et culture générale - Némésis
Pour commencer, nous allons parler de Tiphaine Raffier et son dernier spectacle, Némésis. Autrice, comédienne, metteuse en scène et même réalisatrice, Tiphaine Raffier est une artiste polyvalente. Elle crée sa compagnie « La Femme coupée en deux » en 2015, compagnie avec laquelle elle porte ses dernières créations : La Chanson, Dans le nom, France fantôme, La réponse des hommes, Rassurer les inquiets, Némésis. Avec sa compagnie, Tiphaine Raffier cherche à utiliser tous les outils liés à la création théâtrale : la construction littéraire, l’exigence de la langue, le jeu d’acteurice, le dispositif spatial, les créations sonores, vidéo et lumière. Elle accorde également beaucoup d’importance aux spectateurices, à qui elle souhaite accorder une liberté de mouvement de l’esprit. Et c’est aussi quelqu’un qui aime raconter des histoires.
Sa dernière création, Némésis, raconte l’histoire de Bucky Cantor, le nouveau directeur du terrain de jeu de Newark, forcé de rester au pays à cause de sa mauvaise vue plutôt que de combattre en Europe. Nous sommes en 1944, il fait très chaud, et soudain les enfants tombent malades. La tragédie est là, et elle s’appelle la poliomyélite. Le spectacle, construit en trois parties, est une adaptation libre de l’œuvre de Philippe Roth. Tiphaine Raffier a conservé une certaine forme narrative avec une voix off qui raconte l’histoire des personnages sur scène. A cet aspect très classique, elle ajoute la comédie musicale – surtout dans la deuxième partie – tout un tas de dispositifs techniques, et une réflexion intéressante sur la mise en abyme. Au milieu de cette dynamique scénique, il y a un personnage éminemment tragique, imparfait, dont on nous révèle – parfois à grand coups de sabots – l’intériorité complexe et touchante. Avec un sujet comme la maladie, ce spectacle pose une question centrale pour le théâtre, celle de la fatalité : tout le monde veut trouver un coupable, les parents se demandent pourquoi leur enfant et pas celui du voisin, Bucky Cantor va même jusqu’à croire qu’il est maudit.
Ce qui est beau dans cette pièce, c’est-à-dire ce que je retiens malgré sa longueur, sa narration lourde et ses réflexions virilistes, c’est son mélange des genres, sa passerelle floue entre réel et fiction, son dynamisme et ses effets visuels (à chaque partie il y a UN décor qui lui correspond à merveille). Une beauté touchante.
Némésis, mise en scène par Tiphaine Raffier
Adapté du roman de Philip Roth
Avec : Clara Bretheau, Éric Challier, Maxime Dambrin, Judith Derouin, Juliet Doucet, François Godart, Alexandre Gonin, Maika Louakairim, Tom Menanteau, Hélène Patarot, Édith Proust, Stuart Seide, Adrien Serre
Musique : Guillaume Bachelé, Pierre Marescaux et Clément Darlu
Scénographie : Hélène Jourdan assistée d’Alice Girardet
Création lumières : Kelig Le Bars
Dernières sorties et culture générale - Poquelin II
La seconde pièce dont je souhaitais parler est montée par un monstre du théâtre contemporain : les TG Stan. Le genre de nom que tout le monde connaît et dont tout le monde parle. J’étais donc plus que ravie de pouvoir enfin savoir s’ils étaient à la hauteur de leur réputation. Eh bien je vous le dis, ça n’a pas manqué !
Mais d’abord, qui sont donc les TG Stan ? Il faut déjà savoir que leur nom est l’acronyme de « Stop Thinking About Names » - il y a déjà là quelque chose qui veut rompre avec la tradition d’un théâtre élitiste. Ensuite, c’est un collectif de théâtre fondé notamment par Jolente De Keersmaeker, Damiaan De Schrijver et Frank Vercruyssen, qui se sont rencontrés à la fin des années 80 au Conservatoire à Anvers. Dans ce collectif, chaque comédien travaille ensemble mais dispose aussi librement de son propre parcours artistique. Leur façon de travailler ensemble repose sur la création collective, une certaine démocratie théâtrale dans laquelle chacun a sa voix au chapitre (autant sur le texte que les décors ou les lumières). Pour résumer leur pensée, on peut parler de « comédien souverain, qui est aussi bien interprète que créateur ». Le texte est également central pour eux, ils passent beaucoup plus de temps à la table qu’au plateau, afin de garder quelque chose de vivant au moment des représentations.
Pour leur dernière création, une adaptation libre du Bourgeois gentilhomme et de L’Avare, les TG Stan nous prouvent que les œuvres de Molière ne sont ni poussiéreuses ni dépassées : sur leurs tréteaux, les rivalités amoureuses, conflits de générations et pressions financières ne semblent pas avoir pris une ride ! Fidèle à la démarche de l’illustre auteur, ce Poquelin II ne lésine pas sur l’humour et le comique de situation, parfois le meilleur moyen de faire résonner la gravité des circonstances.
Pour cette pièce, je me souviens d’une certaine longueur – forcément, deux pièces de Molière, même adaptées pour un seul spectacle, ça fait beaucoup. Mais je me souviens surtout des véritables éclats de rire qui résonnaient dans toute la salle. Je crois que je n’ai jamais vu une troupe prendre autant de plaisir à être sur scène. Ils étaient bien sûr aidé par le comique des deux pièces, mais ils en jouaient toujours plus, avec de l’improvisation, des adresses et œillades complices au public, le fait de tout assumer sur scène (les changements de personnage à vu, la présence d’un souffleur, …). Tout était fait pour que la légèreté et le rire soient au cœur du spectacle. Avec des tréteaux en bois, une partie du public sur scène, les allers et venus de certains personnages dans la salle, on se serait presque cru dans un spectacle de rue. Un plaisir partagé entre scène et salle.
Poquelin II, du collectif TG Stan
De et avec : Els Dottermans, Willy Thomas, Stijn Van Opstal, Bert Haelvoet, Jolente De Keersmaeker, Frank Vercruyssen, Robbie Cleiren et Damiaan De Schrijver
Lumières : Thomas Walgrave
Costumes : Inge Büscher
Découvrez ci-dessous le dernier épisode de mon podcast, ainsi que des informations supplémentaires concernant ces deux superbes pièces :)
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