Homosexualité et spectacle vivant - Partie 1

Publié le 24 janvier 2024 à 11:00

L’histoire de la culture LGBTQIA+, ou queer, est complexe à retracer de manière factuelle, puisque l’homosexualité et les questions de genre ont été longtemps ignorées ou interdites. Depuis le milieu du XXème siècle, et encore aujourd’hui, la fiction théâtrale devient un intermédiaire pour dépasser les préjugés et les images que l’on se fait de la communauté queer.

 

« La multiplication des personnages homosexuels et l’intérêt qu’ils suscitent » montre que le théâtre permet à la communauté queer de « dire l’essentiel au nom des siens et au nom de tous ceux qui sont en crise d’identité. Pendant quelques heures, le personnage prend toute la place, séduit le lecteur/ spectateur, le provoque, le confronte et le retourne à son monde. Le théâtre est là, entre autres, pour éveiller les consciences et pour, dans le meilleur des mondes, faire bouger les choses » – Christian Beaucage*

 

« Éveiller les consciences » : le théâtre porte en effet le reflet d’une époque. C’est ce qui marque le plus les pièces mettant en scène l’homosexualité et la transidentité. Les époques passent, les combats politiques évoluent : les personnages qui montent sur scène en sont les témoins et les portes-parole.

 

Traversée historique : travestissement et ambiguïté

 

Retour aux sources avec le théâtre antique

Remonter aussi loin dans l’histoire n’est pas si incongru, puisque les Grecs n’éprouvaient aucune difficulté à être ouvertement homosexuel. Mais surtout, c’est avec le théâtre grec qu’est né – pour notre culture européenne du moins – le travestissement scénique. Les femmes n’étant pas autorisées à prétendre jouer au théâtre (ou à quoique ce soit d’autres d’ailleurs, n’oublions pas qu’à cette époque, elles étaient considérées au même titre que les meubles), ce sont les hommes qui incarnent tous les personnages, y compris donc les personnages féminins. C’est un peu le début de la fluidité des genres sur scène, même si cela n’a bien sûr pas la même signification aujourd’hui. Quoiqu’il en soit, le travestissement des comédiens passait par l’utilisation de masques de théâtre, accompagnés de coiffure, de barbes et autres accessoires. Ce sont des éléments qui permettent aux comédiens d’intégrer la physionomie du rôle qui leur est attribué.

 

Quand le travestissement cache une ambiguïté

Néanmoins, ce qui nous intéresse bien plus dans le lien entre travestissement et représentation de l’homosexualité dans le spectacle vivant, c’est ce qui se passe dans le théâtre du XVIIème siècle et chez les romantiques. De nombreux.ses dramaturges jouent d’une ambiguïté de genre et de sexualité chez leurs personnages – voire parfois chez eux-mêmes. On peut penser à ces personnages qui se travestissent comme la Comtesse dans La Fausse suivante de Marivaux ou Chérubin dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais.

 

Avant le personnage, c’est même parfois le comédien qui se travestit. On peut notamment penser à Shakespeare : dans le théâtre anglais, à nouveau, les femmes ne sont pas autorisées à jouer. Mais cette fois, quand les femmes de Shakespeare sont incarnées par des hommes – en prenant en compte le doute selon lequel Shakespeare était sans doute bisexuel – le doute pointe le bout de son nez. Et ce ne sont pas ses textes qui nous diront le contraire. Dans Le Songe d’une nuit d’été, on trouve quelques répliques, subtiles ou pas, qui laissent entendre une possible ambiguïté dans les relations entre les personnages (dans une émission de Radio France, Gisèle Venet parle d’une pièce qui « distille le doute, se joue des genres »*). De manière plus générale, les analystes et critiques actuels décryptent chez Shakespeare une remise en question du masculin, du féminin, de leur dualité : les genres deviennent fluides, les identités sexuelles incertaines.

 

« C’est par sa théâtralité et l’écart qu’elle représente par rapport aux normes sociales (et donc aux attentes du spectateur) que l’identité sexuelle du personnage est signifiante sur la scène shakespearienne. Les jeux d’écarts avec la norme et leur théâtralisation sont autant d’indices de l’inclusion de l’identité sexuelle dans la dynamique dramatique et dans les rapports de pouvoir entre les personnages, autorisant tous les glissements entre masculin et féminin, le genre ne constituant alors plus un critère identitaire figé mais une variable d’ajustement qui reflète le positionnement du personnage par rapport à l’autorité » – Delphine Lemonnier-Texier

 

La suite au prochaine épisode :)

En attendant, quelques sites pour aller plus loin :

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