Homosexualité et spectacle vivant - Partie 2

Publié le 25 janvier 2024 à 10:34

Au départ, le terme « théâtre homosexuel », apparu aux États-Unis, était une façon péjorative de désigner le théâtre de Broadway, notamment les œuvres de Tennesse Williams (Un Tramway nommé désir) ou Edward Albee. A cette époque, si tu n’étais pas un homosexuel stéréotypé et bien entendu malheureux, tu ne pouvais pas exister dans le spectacle vivant !

Culture underground, affirmation d’une communauté, témoignages d’une époque

 

S’affirmer et braver les interdits par le spectacle

C’est dans ce contexte de censure que le Caffe Cino ouvre ses portes en 1958, au rez-de-chaussé du bâtiment de Broadway. Il tient son nom de son créateur, Joe Cino, qui permet aux artistes de présenter des formes courtes de théâtre d’avant-garde, y compris des œuvres à thématique gay. D’autres formes de spectacles se développent également à cette époque. C’est dans les années 1920 – 1930, aussi appelées les « années folles », qu’une contre-culture underground naît dans le milieu queer. Entre travestissement et questions de genre, cabarets et music-hall, un mouvement d’émancipation sexuel – mais aussi racial – se développe au sein d’une communauté minoritaire. C’est le début du voguing, des balls ou ballroom, des house, … En plus de s’affirmer, les artistes queers se regroupent et s’entraident, les house devenant de véritables familles de substitution – notamment pour les personnes rejeté.es par leur famille.

 

Les dramaturges qui ont marqué le XXème

Revenons à un théâtre plus traditionnel. De nombreux dramaturges se démarquent dans la seconde moitié du XXème siècle par leurs thématiques homosexuels. Le théâtre étant le lieu de l’exhibition déformée et révélatrice du réel, ils et elles deviennent les témoins d’une époque : les non-dits, le travestissement, les violences, le sida, … Il y a Jean Genet, ouvertement homosexuel, et sa première pièce Haute surveillance, dont le trio de personnages jongle entre désir, attirance et violence, dans un univers homo-érotique propre au dramaturge. Et bien sûr Jean-Luc Lagarce et Juste la fin du monde. Le personnage de Louis – récurrent dans les pièces du dramaturge – est le fils prodigue revenant dans sa famille pour leur annoncer sa mort, ce qu’il ne fera jamais. La pièce repose sur le silence de ce personnage et les non-dits cachés dans les multiples hésitations des membres de sa famille. Cette pièce est d’ailleurs écrite au moment où l’auteur lui-même se savait condamné par le sida. L’analogie entre les deux est presque inévitable.

Et bien d’autres : Jean-Paul Sartre (Huis clos), Copi (L’homosexualité ou la difficulté de s’exprimer), Bernard-Marie Koltès, Jean Cocteau, …

 

Zoom sur La Cage aux folles

Au milieu de ces œuvres classiques de théâtre, il est aussi intéressant et important de ne pas oublier des spectacles plus populaires, plus grand public. L’un de ceux qui ont le plus marqué l’époque et qui ont eu le plus d’influence et de succès international, c’est bien La Cage aux folles. Et pourtant, ce n’était pas une évidence lors de sa production :

 

« Avant les premières représentations, Jean Poiret doute du pouvoir comique de sa pièce. À sa sortie en 1973, La cage aux folles divise. À cette époque, l'homosexualité est un délit et une partie de l’opinion la condamne moralement. Une autre partie de la population – notamment homosexuelle – crie à la caricature. Le bouche à oreille et l’humour burlesque des comédiens font finalement triompher la pièce »

Benoît Dusanter

Le succès est en effet pleinement à l’œuvre depuis la première. La pièce est adaptée au cinéma par Edouard Molinaro en 1978 (César du meilleur acteur pour Michel Serrault), ainsi qu’en comédie musicale à Broadway – les nombreuses reprises du spectacle (dont la dernière date de 2011) recevront d’ailleurs plusieurs nominations et prix.

 

Et les femmes dans tout ça ?

Pour parler également des femmes du XXème siècle, je vous invite à découvrir Edith Craig :) Directrice de théâtre, actrice, productrice, créatrice de costumes, ouvertement lesbienne engagée féministe (elle fait partie des Women's Suffrage Movement), Edith Craig est une femme qui se démarque de son époque, dans le champ du théâtre et de la question des genres. Elle est la fondatrice de la société théâtrale The Pioneer Players – en réaction à la Stage Society, dirigée par des hommes. The Pioneer Players soutient un théâtre expérimental politique et féministe. Edith Craig vivait en trouple avec Christabel Marshall et Clare "Tony" Atwood ; toutes trois faisaient partie d’une communauté littéraire composée de femmes lesbiennes et bisexuelles (Virginia Woolf, Vita Sackville-West, Radclyffe Hall…).

A voir également : Colette, qui a fait scandale en 1907 lorsqu’elle et Missy (Mathilde de Morny) échangent un baiser sur scène dans Rêve d’Egypte.

 

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